Le 3 avril 1804, à neuf heures du matin, naît à Hémevez un garçon nommé Jacques François Navet. Il est immédiatement présenté à l’état civil, et son acte de naissance est rédigé dans les formes républicaines, à la date du 13 germinal an XII, selon le calendrier encore en vigueur à cette époque.
Jacques est le fils de Hyacinthe François Navet, cultivateur, et de Jeanne Catherine Houdeville, domiciliés à Hémevez. Il vient agrandir une fratrie déjà nombreuse, composée de Thérèse Cécille (née en 1792), Charlotte Françoise (1795), Jeanne Rosalie (1798), et Jean-François (1801). Deux autres enfants sont nés auparavant : Jeanne Constance (1794), décédée en 1798, et Jean-André-François (né en 1806, décédé en 1807). Dans les tables décennales, ce dernier est désigné par erreur sous le prénom d’Isaac, une confusion absente des actes originaux.
Au moment de sa naissance, Jacques est vraisemblablement accueilli au lieu-dit Vaulaville, où la famille semble déjà résider, bien que cela ne soit pas encore explicitement mentionné dans les actes de cette période.
En 1808, à l’âge de seulement quatre ans, Jacques perd sa mère. Le décès de Jeanne Catherine Houdeville est enregistré à Vaulaville. Puis, en 1815, son père meurt à son tour. Jacques n’a alors que onze ans. Il se retrouve orphelin aux côtés de ses frères et sœurs, dont les aînés, déjà adolescents ou jeunes adultes, doivent prendre en charge la maisonnée. Thérèse a alors 23 ans, Charlotte 20 ans, Jeanne Rosalie 17 ans, Jean-François 14 ans.
L’année 1804, qui voit naître Jacques, est aussi celle où Napoléon Bonaparte devient empereur des Français. Dans le Cotentin, pourtant, ces bouleversements politiques n’effacent pas les réalités locales : les campagnes vivent au rythme des saisons, des foires et des travaux agricoles. C’est dans ce cadre rural et discret que grandit Jacques François Navet, sans parents dès l’adolescence, mais entouré d’une fratrie soudée.
Au début de l’année 1838, Jacques François Navet, âgé de trente-trois ans, est célibataire et domicilié à Hémevez. Il exerce la profession de marchand de cochons. C’est au cours de ce mois de janvier qu’il décide d’épouser Sophie Aimée Henriette Lepoittevin, une jeune femme de vingt-deux ans, née à Saint-Marcouf et domiciliée à Lieusaint. Elle est orpheline de père et de mère : son père, Nicolas Alexandre Lepoittevin, ainsi que sa mère, Marie Lebarbenchon, sont tous deux décédés au moment du mariage.
La publication des bans a lieu à Hémevez les dimanches précédant la célébration. Aucune mention n’est faite d’une publication à Lieusaint, bien que Sophie y soit officiellement domiciliée. Cela pourrait indiquer qu’elle résidait déjà à Hémevez dans les jours précédant l’union, ou que la seconde publication, si elle a eu lieu, n’a pas été consignée dans l’acte.
Le mariage est célébré à Hémevez le 28 janvier 1838, à une heure de l’après-midi, dans la maison commune. Jacques signe l’acte de sa main. Les témoins sont probablement issus de l’entourage local, bien que leurs identités ne soient pas encore recensées.
Les circonstances de leur rencontre ne sont pas connues. Peut-être Jacques et Sophie se sont-ils croisés lors d’un marché, d’un déplacement familial, ou d’un séjour temporaire. On peut aussi envisager un arrangement entre familles, pratique courante à l’époque. Rien, toutefois, ne s’oppose à l’idée d’une union choisie, dans le respect des équilibres sociaux du monde rural.
Après son mariage avec Aimée Sophie Henriette Lepoittevin en janvier 1838, Jacques François Navet s’établit durablement à Hémevez, où le couple fonde sa famille. Il exerce la profession de marchand de cochons, une activité attestée dans plusieurs actes, qui suppose probablement des déplacements réguliers dans les communes voisines, en lien avec les marchés ruraux de la région.
Entre 1839 et 1854, neuf enfants naissent au foyer. Le premier, Jacques Jean Nicolas, voit le jour en décembre 1839, suivi de Thérèse Justine en 1840, puis de François Auguste Charles en 1842. En 1844, le couple accueille un quatrième enfant, Léon Louis, suivi par Louis Émile en 1845, puis Marie Sophie Augustine en 1847. Deux autres filles naissent ensuite : Louise Rosalie en 1849 et Virginie Sophie en 1851. Le dernier enfant, Jean Auguste, naît en avril 1854 mais décède prématurément en février 1855.
Plusieurs de ces naissances mentionnent explicitement le lieu-dit Vaulaville, confirmant que la famille y résidait et en possédait, ou occupait durablement, au moins une partie. L’installation dans ce domaine, identifiable sur le plan cadastral napoléonien de la commune, témoigne d’une certaine stabilité et d’un ancrage profond sur les terres d’Hémevez.
À cette époque, la commune est aussi marquée par la présence du château d’Hémevez, propriété de la famille de La Motte-Ango de Flers, qui organise régulièrement des réceptions et accueille des notables. Une anecdote locale rapporte que les villageois recevaient parfois des compensations pour des poules écrasées par les attelages en route vers le château.
Dans ce contexte, il est tout à fait possible que Jacques, en tant que marchand local, ait été sollicité pour fournir de la viande ou participer à l’approvisionnement du domaine. Ces échanges entre le monde paysan et les familles nobles étaient fréquents et participaient à la vie économique du village.
Au milieu des années 1850, la vie suit son cours pour Jacques François Navet. Ses enfants grandissent, certains quittent le foyer, d’autres restent à ses côtés. Son activité de marchand de porcs, qu’il exerce depuis des années, se poursuit probablement, bien qu’aucun document précis ne nous renseigne sur ses déplacements ou son quotidien durant cette période. Il est raisonnable de penser qu’il continue à fréquenter les marchés des environs, à entretenir des relations avec les éleveurs et les habitants d’Hémevez, et à vivre dans la même maison, peut-être toujours à Vaulaville.
Entre 1855 et 1870, Jacques entre dans une phase plus calme de sa vie. Il approche de la soixantaine, et même si son activité professionnelle ralentit sans doute, il reste un homme présent dans la vie du village. Il est possible qu’il participe aux affaires familiales ou aide à la gestion des terres. Son rôle évolue, mais il reste une figure familière et stable dans le paysage d’Hémevez.
Le 30 janvier 1870, à six heures du matin, Jacques François Navet meurt dans sa maison, à l’âge de soixante-cinq ans. Ce sont deux amis proches, Louis Lainé, maréchal, et Hasley Célestin (l’orthographe du prénom reste incertaine), cultivateur, qui déclarent son décès à la mairie. Le maire de la commune, Jules Folliot, enregistre l’acte.
L’acte officiel, comme l’inscription figurant sur sa croix funéraire, mentionne qu’il est mort dans sa soixante-dixième année. Il s’agit d’une formulation traditionnelle, fréquente à l’époque, qui visait à souligner qu’il approchait des soixante-dix ans. En réalité, Jacques avait 65 ans révolus au moment de sa mort.
Aujourd’hui encore, sa tombe est visible dans le cimetière d’Hémevez, une simple croix en pierre, discrète mais bien présente, qui rappelle le parcours d’un homme du pays, resté fidèle à sa terre jusqu’à la fin.
Quand Jacques François Navet meurt en janvier 1870, le Cotentin est encore largement tourné vers l’agriculture. Les villages comme Hémevez vivent au rythme des saisons, des marchés et des familles installées de longue date. Les grandes villes commencent à se développer, les routes s’améliorent, mais dans les campagnes, peu de choses ont vraiment changé. La guerre contre la Prusse éclatera quelques mois plus tard, mais Jacques ne connaîtra pas ces événements. Il meurt dans un monde qu’il a toujours connu, simple, local, sans grande agitation extérieure. Son décès marque aussi, d’une certaine manière, la fin d’une génération.
Les documents suivants ont été réunis pour retracer le parcours de Jacques François Navet.
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