Hyacinthe François Navet

Chapitre I – Naissance et enfance

Le 17 août 1754, dans le village d’Hémevez, naît Hyacinthe François Navet. Il est baptisé dès le lendemain, le 18 août, dans l’église paroissiale du lieu. Le registre, rédigé en français, a été compliqué à déchiffrer en raison de l’écriture peu lisible du curé.

Hyacinthe est le fils légitime de François Navet, laboureur, et de Jeanne Françoise Coquoin. Il grandit au sein d’une fratrie de quatre enfants, entouré de son frère Jean François, né en 1751, de sa sœur Thérèse Françoise, née en 1753, et de Marie Françoise, née en 1757.

Comme beaucoup d’enfants de son milieu, il est probablement initié très tôt aux travaux agricoles. Rien ne permet d'affirmer s'il savait lire ou écrire, bien que certaines signatures relevées dans les registres familiaux laissent supposer un certain degré d'alphabétisation. Son enfance se déroule à Hémevez, dans une maison simple, au sein d’une communauté rurale organisée autour de la paroisse et du travail des champs.

Un événement tragique est néanmoins survenu dans sa famille peu après sa naissance : en 1756, Thérèse Navet, sa tante, meurt écrasée sous les ruines de deux planchers dans une maison appelée peut-être la Végelerie, le nom restant difficile à lire sur le registre. Son décès entraîne l'intervention exceptionnelle des officiers de justice criminelle, venus constater les circonstances du drame.

À l'époque, lorsqu'un décès survenait dans des circonstances inhabituelles, notamment à la suite d'un accident, la procédure imposait une visite de justice. Des officiers comme le lieutenant criminel et le procureur du roi se rendaient sur place pour examiner les lieux et dresser un procès-verbal officiel. Leur rôle était d'écarter toute suspicion criminelle avant de délivrer l'autorisation d'inhumer le défunt.

Dans le cas de Thérèse Navet, cette démarche témoigne du sérieux accordé à la protection des règles judiciaires, même dans un village rural comme Hémevez.

Après cette visite officielle, Thérèse fut inhumée dans l’église d’Hémevez.

À l’époque de sa naissance, la vie du Cotentin reste dominée par l’agriculture et l’élevage. Les villages sont structurés autour des églises paroissiales et des marchés locaux. La vie est rythmée par les saisons, les foires, les offices religieux et les coutumes paysannes. En 1754, la guerre de Sept Ans vient d’éclater entre la France et l’Angleterre, un conflit majeur qui touche principalement les colonies et les grandes places stratégiques. Dans les terres intérieures comme Hémevez, les paysans poursuivent leurs travaux, préservant une existence discrète, loin des agitations extérieures.

Chapitre II – Mariage et vie de famille

Le 25 novembre 1790, à Hémevez, Hyacinthe François Navet épouse Jeanne Catherine Houdeville, une jeune femme née à Picauville en 1772. Lors de leur union, Hyacinthe est âgé de trente-six ans, tandis que Jeanne Catherine n’en a que dix-huit. L’acte de mariage, rédigé sous le régime des registres paroissiaux encore en vigueur, atteste d’une union célébrée dans le respect des usages de l’époque.

De cette union naîtront au moins sept enfants : • Thérèse Cécille Navet, née en 1792, • Jeanne Constance Navet, née en 1794, décédée en 1798 à l’âge de quatre ans, • Charlotte Françoise Navet, née en 1795, • Jeanne Rosalie Navet, née en 1798, • Jean-François Navet, né en 1801, • Jacques François Navet, né en 1804, • Jean-André-François Navet, né en 1806, décédé prématurément en 1807 à l’âge d’un an.

La famille s’installe durablement à Vaulaville, un lieu-dit d’Hémevez. Les enfants grandissent dans un environnement rural marqué par les travaux agricoles, les pratiques religieuses et les liens familiaux. Malgré les joies que procure une grande maisonnée, Hyacinthe et Jeanne Catherine connaissent aussi l’épreuve du deuil : ils perdent deux de leurs enfants en bas âge, un chagrin profond qui doit marquer durablement la famille.

La perte de leur dernier enfant, Jean-André-François, semble avoir coïncidé avec un affaiblissement de Jeanne Catherine, dont la santé déclina rapidement. Si aucune certitude ne peut être avancée, la proximité entre la mort de l'enfant en 1807 et celle de sa mère en 1808 laisse envisager un lien possible entre ces deux événements. Jeanne Catherine Houdeville décède le 31 mai 1808, à l’âge de trente-six ans, laissant Hyacinthe veuf avec plusieurs enfants encore jeunes. Sa disparition vient briser l’équilibre familial et impose à Hyacinthe la lourde tâche de poursuivre seul l’éducation de ses enfants.

Lors de mes recherches, j'ai constaté que dans la table décennale de la commune, le prénom de Jean-André-François Navet avait été inscrit par erreur sous le nom d’Isaac André François Navet. Cette erreur surprend d'autant plus que ni phonétiquement, ni manuscritement, Jean et Isaac ne présentent de ressemblance. Après vérification de l’acte original, il est confirmé qu’il s'agit bien de Jean, rappelant combien l'exactitude des registres dépendait probablement du soin ou de la précipitation des personnes chargées de les tenir.

Chapitre III –Dernières années

Après la mort de Jeanne Catherine Houdeville en 1808, Hyacinthe François Navet se retrouve seul pour élever ses enfants. À cette époque, Thérèse Cécille est âgée de seize ans, Charlotte Françoise de treize ans, Jeanne Rosalie de dix ans, Jean-François de sept ans, et Jacques François de quatre ans. Tous vivent alors probablement encore à Vaulaville, où la famille est installée depuis plusieurs années.

Dans ce contexte rural du début du XIXᵉ siècle, les enfants plus âgés devaient rapidement assumer des responsabilités importantes pour aider à la tenue de la maison et aux travaux agricoles. Thérèse, en tant qu’aînée, a sans doute joué un rôle central pour soutenir son père et encadrer ses frères et sœurs. La solidarité familiale remplaçait alors souvent l'absence d'un parent disparu.

Hyacinthe, malgré le poids des années, continue sûrement d’assurer tant bien que mal la gestion des terres et l’entretien du foyer. Le climat du Cotentin, rude et humide, ainsi que les contraintes économiques de la campagne normande, imposent un rythme de vie difficile mais nécessaire.

À cette époque, la mort faisait partie du quotidien. De nombreux historiens se sont penchés sur cette réalité, montrant que les familles rurales, souvent nombreuses, étaient confrontées très tôt aux décès d’enfants, d’époux ou de parents. La mortalité infantile était élevée, les maladies fréquentes, et les accidents domestiques courants.

Même si la mort était acceptée comme une réalité inévitable, elle ne laissait pas les cœurs indemnes. Le deuil se vivait souvent dans le silence et la continuité du travail, sans cérémonies prolongées ni marques extérieures durables.

Pour Hyacinthe, perdre deux enfants puis son épouse en quelques années a probablement été une épreuve intérieure profonde, même si aucune trace écrite n’en témoigne. Comme beaucoup de ses contemporains, il a dû affronter son chagrin en silence, porté par le devoir de subsister pour ses enfants encore vivants.

Le deuil, à cette époque, était moins exprimé qu’aujourd'hui, mais il pesait lourdement dans les gestes du quotidien, dans le regard, dans la fatigue et dans la solitude.

Le 21 novembre 1815, Hyacinthe François Navet décède à Vaulaville, veuf depuis sept ans à l’âge de soixante et un ans. Son acte de décès est enregistré à Hémevez. Il laisse derrière lui plusieurs enfants encore jeunes, qui poursuivront leur vie dans un monde en pleine mutation.

Contexte politique durant la vie de Hyacinthe François Navet (1754-1815)

Bien que la vie à Hémevez ait été marquée par un certain isolement, il me semblait nécessaire d'établir un rapide parallèle avec le contexte politique de la France au cours de la vie de Hyacinthe.

Hyacinthe François Navet est né en 1754, sous le règne de Louis XV, à une époque où la France est encore profondément marquée par l'absolutisme royal. Il voit le jour quelques mois après la déclaration de la guerre de Sept Ans, un conflit majeur qui affaiblira durablement la monarchie française.

Durant son enfance et sa jeunesse, la société reste dominée par les ordres traditionnels : clergé, noblesse et tiers-état. Les réformes économiques échouent, les disettes frappent régulièrement les campagnes, mais à Hémevez, la vie suit principalement le rythme des saisons.

En 1774, à l'âge de vingt ans, Hyacinthe voit arriver au pouvoir Louis XVI. Les premières années du nouveau roi nourrissent encore des espoirs de réformes, mais les difficultés financières du royaume, aggravées par le soutien à la guerre d'indépendance américaine, précipitent une crise politique profonde.

En 1789, Hyacinthe a trente-cinq ans lorsque éclate la Révolution française. La fin des privilèges, la confiscation des biens du clergé, la création des communes et des départements modifient en profondeur l'organisation administrative du pays. À Hémevez, la Révolution se traduit par de nouvelles autorités locales, la tenue d'états civils laïques, et la suppression progressive des anciennes structures paroissiales.

Les années 1790-1800, marquées par l'instabilité politique, la Terreur, puis l'ascension de Napoléon Bonaparte, bouleversent encore davantage la France. En 1799, Napoléon prend le pouvoir par le coup d'État du 18 brumaire et établit le Consulat.

En 1804, Hyacinthe, alors âgé de cinquante ans, voit la proclamation du Premier Empire. Napoléon devient empereur des Français. La vie rurale reste cependant relativement protégée des grands événements militaires, même si les levées d'hommes pour les armées impériales pèsent sur les familles.

À partir de 1812, les défaites s'accumulent pour Napoléon. La campagne de Russie, les pertes humaines, et l'effondrement progressif du régime aboutissent en 1814 à sa première abdication.

En 1815, alors que Napoléon tente un retour au pouvoir durant les Cent-Jours, la France sombre de nouveau dans l'incertitude. Cette même année, Hyacinthe décède, sans avoir vu la stabilisation durable du pays.

Dans son village d’Hémevez, ces bouleversements se traduisaient souvent par des changements d’administration, des levées d’impôts ou de conscrits, mais le quotidien restait ancré dans la terre, les saisons, et la famille.

Non loin de là, le port de Cherbourg connaissait aussi de grands changements : sous Louis XVI, puis surtout sous Napoléon, d'importants travaux furent entrepris pour en faire un port militaire stratégique face à l'Angleterre. Si ces vastes projets restèrent lointains pour les habitants des campagnes, ils marquaient cependant l'entrée progressive du Cotentin dans les grandes préoccupations nationales.

Galerie d'archives

Les documents suivants ont été réunis pour retracer le parcours de Hyacinthe François Navet.